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le trouver, tapez deux mots clés sur l'Internet: Mafia et Pasqua.
C'est ce qu'a fait Antoine Schuller, le fils hanté par la figure
paternelle, grillée par le soleil dominicain. Il a surfé, aidé
des deux mots qui résument pour lui la vie de son père, et
Christian Cotten lui est apparu, plus rapidement que le dépanneur
sur le bord de la route. Un accro des décharges publiques, ce
Cotten «Mon job, c'est éboueur», dit-il. C'est plutôt
le genre col blanc, boutonné jusqu'en haut quand il n'est pas ceint
d'un noeud papillon. La barbe est taillée de près, l'oeil est vif
mais pas fiévreux, le sourire s'est depuis longtemps évaporé. En
plus de Pasqua (qu'il accuse d'avoir fait massacrer les membres de
l'ordre du Temple solaire dans le Vercors en 1995) et de Mafia
(qu'il associe à franc-maçonnerie), vous pouvez taper Rika Zaraï
(supportrice de sa liste «Politique de vie» aux européennes en
1999), secte (les rapports parlementaires sur le sujet l'ont épinglé),
Bérégovoy peut-être (il croit à la thèse du meurtre) et, désormais,
Schuller. Bien des chemins mènent à Cotten. «J'ai une vie
intense.» Il s'est niché dans les zones d'ombre de la République,
juché sur un tas de dossiers effectivement mal ficelés, et armé
de quelques casseroles, il fait du bruit. Le jeune Schuller tombait
bien.
C'est Marie Laforêt qui a pris contact. On arrive toujours à
Cotten par le ressentiment. L'ex-chanteuse en a après son ex-mari,
financier et franc-maçon qu'elle dit mêlé aux histoires du Temple
solaire. Elle reçoit Christian Cotten et lui présente le rejeton
Schuller sous le pseudonyme de «François». Ils restent en
contact. Ça sent si bon le scandale. Début décembre, «François»
rappelle. Le rendez-vous, dans un bistrot du XVIe arrondissement de
Paris, se termine chez Cotten à Boulogne. «Je l'ai installé
devant un café dans la cuisine, il m'a déballé sa vie.» Il
lui laissera aussi pendant quelques nuits le canapé de son bureau,
parce que le fils, en rupture de ban, ne peut plus dormir chez sa mère.
Il est aux petits soins. «Je fais de la thérapie familiale avec
Antoine Schuller. C'est un gamin psychologiquement violé, qui a découvert
à 20 ans qu'il a grandi dans un monde faux, un monde de truands.»
«Ce n'est pas mon psy», dit pourtant l'Antoine. Ils ont en
tout cas besoin l'un de l'autre. Cotten lui présente un
journaliste, un gars des Renseignements généraux, inonde pour lui
les antichambres ministérielles de fax, veut forcer le retour du
mauvais père. Le fils Schuller offre, lui, un nouveau glaive au
chevalier blanc.
Mais qui est-il? Profession: psychosociologue. Age: 48 ans. Marié
deux fois, trois enfants. Passe-temps devenu plein temps: de gros
comptes à régler avec l'Etat. Ça remonte à 1996, dit-il: «Ma
première poubelle de la République.» Il dirige alors une société
de formation, Stratégique, qui vit de contrats avec des grandes
entreprises et administrations françaises. Le ministère des
Finances confie à Cotten la préparation d'un programme pilote pour
l'amélioration des relations avec les usagers. Quand le ministère
lance un appel d'offres pour organiser et étendre la formation,
Cotten s'inquiète, se demande si la compétition n'est pas truquée
en sa faveur. Il porte plainte pour favoritisme à son égard. Du
jamais vu dans les annales de la police. Il dit: «C'est un viol
psychique, celui qui fait la loi en impose la transgression, ça
donne envie de tuer.» Voilà, c'est tout. C'est ainsi qu'il
bascule. Le ministère se souvient de n'avoir rien compris. Son
ancienne salariée préfère ne pas parler. Il ajoute calmement: «Avant,
j'imaginais pas tout ça, je lisais Libé, le Nouvel
observateur; je votais rarement mais à gauche ou écolo.»
Il a grandi dans les quartiers pavillonnaires de la banlieue
parisienne, sa mère dirigeait une agence bancaire, son père était
cadre. La mère s'est présentée aux élections municipales; fille
d'un immigré espagnol cégétiste, elle avait la fibre communiste
et pas seulement bancaire. Il a un souvenir, une image, qu'il offre
sur un plateau au journaliste en quête de déterminisme. «J'avais
10 ans, un mec des Renseignements généraux est venu, il a emmené
ma mère faire un tour, pour qu'elle ne participe pas à une conférence
de presse contre l'élu gaulliste.» Puis il dit, content de
lui: «J'ai l'art de prendre des détails pour en faire des légendes.»
Aveu? Tentative de déstabilisation? Deux fois, oui. Il poursuit. Il
a 15 ans en 68 «J'ai été marqué par cette période».
A 17-18 ans, le voilà «gentiment militant politique», tendance
trotskiste: «Je suis parti de tout ça, intellectuellement, c'était
rigide et clos.» Il fait l'instituteur, pendant trois ans, puis
du théâtre, l'ouvrier dans une usine de produits chimiques ou
vendeur d'encyclopédies en faisant du porte-à-porte. Et puis
question: «Est-ce que je deviens un terroriste ou est-ce que je
fais de la psychologie sociale?» La rage ne date pas d'hier. Il
choisit la seconde voie, ce qui ne veut pas dire la vie rangée. Le
psychosociologue descend, selon lui, «du sorcier», «du fou du
roi», «du directeur de conscience». Il fait psycho à la
Sorbonne. Devient consultant en entreprises. Jeune homme
anachronique quand l'air du temps est baba cool. «Il était
archichiant, il donnait à tout une dimension pénible et grave», se
souvient un collègue. Il se prétend aujourd'hui, «thérapeute
du système». «Je ne connais pas la crainte liée aux statuts
sociaux, je réagis comme un médecin devant des gens à poil.»
Il aurait pu rester un simple faiseur de poubelle, un candidat
fantaisiste, un porte-parole des médecines douces, si un rapport
parlementaire ne lui avait offert la consécration. En 1999, la
commission d'enquête sur les sectes épingle sa société comme une
voie d'infiltration de la scientologie vers les entreprises. «Une
connerie», reconnaît un ancien membre de la commission. Mais
pour Cotten, c'est sûr, cette fois: on lui en veut au plus haut
sommet de l'Etat. Alors, il prend le parti «des victimes de la
chasse aux sectes», donc des sectes. Il n'est pas scientologue,
mais s'affiche avec ses zélateurs. Une croisade nécessite des alliés.
Il poursuit du beau linge, avocats, juges, députés. Aux uns, il écrit
qu'ils ont du sang sur les mains; aux autres, qu'il consacrera vingt
ans de sa vie à les poursuivre. Il fait le cirque chez Dechavanne.
«C'est un hurluberlu paranoïaque et mythomane», dit Me
Vuillemin, qui plaida dans l'affaire du Temple solaire.
Ce jour-là, il est calme. Obscur et malin. Il explique qu'un bon
psy doit être capable d'être fou avec les fous: «Si je veux
aider un paranoïaque, il faut que je sois capable de jouer avec
lui.» Alors il joue l'éboueur thérapeute de la République ? Décembre
2001, pendant qu'il prépare avec Schuller la première torpille de
la présidentielle, il propose par courrier un troc au ministère
des Finances: si la liquidation de sa société est stoppée, il
mettra au service du candidat Jospin tout ce qu'il connaît
d'adeptes des médecines douces et d'amis des sectes. Il veut juste
s'entendre dire non. Remâcher ses obsessions. Il a bien fait de
choisir psycho plutôt que poseur de bombes.
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