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Si vous aimez rire, « 1905 » c’est du délire !

Entretien avec Dieudonné sur son dernier spectacle.

 

Par Silvia Cattori

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Voir la seconde partie « Qui veut la peau de Dieudonné ? » ou sur le site www.lesogres.org

Voir aussi l'article de Christian Cotten : Et Dieudonné dit au peuple élu : arrêtes tes conneries

 

Première Partie

SC : « 1905 » c’est la loi dite de séparation de l’Eglise et de l’Etat. C’est aussi votre nouveau spectacle cent ans après. (1) Tout y passe. La guerre, la mort, le racisme, les chinois, les gens du show-biz « qui baissent le froc ». Le public rit sans discontinuer, il en ressort comblé. Vos personnages, réunis dans une sorte de citoyenneté « foireuse » finissent pas réaliser que, face aux manquements des politiques, seule leur humanité peut encore les sauver. Que par delà leurs différences, il y a une communauté de destin qui les unit. Est-ce bien là le fonds de votre spectacle ?

Dieudonné : C’est une réflexion sur la laïcité. « 1905 » était une loi étonnante dans l’histoire de la République ! C’était un projet incroyable ! Cela me plait de savoir qu’il y a cent ans des hommes de bonne volonté ont imaginé séparer les églises de l’Etat, les affaires publiques des affaires spirituelles. Même si dans les faits cette loi n’existe pas.

 

SC : Une loi dont vous regrettez l’idéal perdu ? La laïcité comme remède aux guerres, aux conflits ?

Dieudonné : Cette loi n’a jamais été appliquée. Mais j’aime son utopie. J’aime ce projet qui appelle les religieux à rentrer chez eux. Sarkozy est revenu sur cette loi. Il n’y a jamais eu autant de références religieuses dans le discours politique qu’aujourd’hui.

 

SC : N’est-ce pas le fait d’avoir été l’objet d’attaques, par des citoyens qui se servent de la religion pour exercer des pressions sur l’Etat, qui vous a amené à vous interroger sur la signification de cette loi ?

Dieudonné : Le centenaire de cette loi humainement formidable me permet en effet de me situer dans une époque de l’histoire où il y avait des ouvertures. Et de m’interroger sur les dérives qui menacent aujourd’hui la liberté d’expression.

 

SC : En somme le spectacle « 1905 » est une réponse à ceux qui sont en contradiction avec cette loi. Une occasion de remettre les pendules à l’heure ?

Dieudonné : Qui aujourd’hui bafoue et gangrène les valeurs de la République ? Qui se permet de donner des leçons de morale au chef de l’Etat, au Premier Ministre si ce n’est le CRIF ?(2) Quand on pense, qu’après le 11 septembre 2001, Jacques Chirac et tout le gouvernement Jospin, se sont donné rendez-vous dans une Eglise pour prier Dieu de les préserver du terrorisme, on a de quoi s’interroger. Et tout cela cent ans après la séparation de l’Eglise et de l’Etat !

 

SC : Qu’est-ce que cela prouve ?

Dieudonné : Cela prouve que la loi 1905 était un projet quasi mystique, une quête messianique. Qu’il y avait alors un état d’esprit, une volonté de redonner aux citoyens leur humanité. Mais où sont passés ces hommes aujourd’hui ?

 

SC : On dirait que, loin des artifices du show-biz, vous avez gagné en maturité, en subtilité, en densité. A croire que les procès en cascade sont source de nouvelles inspirations pour vous. Dans « 1905 » vous parvenez à faire rire et réfléchir sur des thèmes qui passent généralement par-dessus la tête des gens. Est-ce bien là votre objectif ?

Dieudonné : Je ne suis pas là pour donner des leçons. C’est le rire qui m’intéresse. C’est mon mode d’expression. C’est toute ma vie. Et on veut me condamner pour mon franc-parler ! Hier au tribunal le procureur a requis deux mois de prison et 20 000 Euros d’amende. Parce que j’ai fait la caricature d’un colon extrémiste,  Dominique Perben et tous ses amis sionistes veulent me condamner !

 

SC : Qui sont ces « amis sionistes » ?

Dieudonné : Tant d’associations m’en veulent, que je ne sais plus…Hier parmi l’accusation, il y avait Gilles-William Goldnadel, vice président de l’Association France-Israël, Alain Jakubovich, responsable du CRIF à Lyon, l’Union Etudiante Juive française.

 

SC : Qu’est-ce que vous ressentez en présence de personnages qui, tel Gilles-William Goldnadel, cherchent à vous détruire ?

Dieudonné : Un froid. Goldnadel est impressionnant de froideur.

 

SC : Leur hostilité finira-t-elle par vous pousser dans les cordes ?

Dieudonné : Je sais que dans le regard de ces sionistes qui veulent me déshumaniser je ne suis qu’un nègre. J’ai de l’incompréhension devant tout cela. J’en viens à penser qu’il n’y a pas plus raciste que l’idéologie sioniste que ces sectaires veulent imposer. Le sionisme est une escroquerie. Il va à l’encontre du concept d’universalité. Il y a eu l’apartheid en Afrique du Sud. Maintenant il y a le sionisme qui est une idéologie raciste basée sur le mensonge et l’intimidation.

 

SC : Ne vous êtes-vous pas exposé à un grand risque en touchant à ce tabou, à l’Etat d’Israël et ses colons ?

Dieudonné : Je ne l’ai pas cherché. Je pensais que, dans le cadre de la loi, on pouvait rire de tout. Je suis pris dans une machination sans savoir où et quand cela s’arrêtera. J’ai fait des caricatures de toutes sortes de gens, sans problèmes. Le jour où j’ai caricaturé un colon israélien j’ai mis le doigt sans m’en rendre compte sur quelque chose d’énorme. Depuis, je suis témoin de quelque chose d’incroyable. Il y a de quoi se demander pourquoi les dirigeants de ces organisations juives qui me poursuivent ont plus d’influence sur le pouvoir politique en France que les dirigeants d’organisations musulmanes ou bouddhistes?

 

SC : Tout cela devient tellement limpide dans votre spectacle ! Votre public ne peut que s’instruire et se régaler.

Dieudonné : La difficulté de cette mise en scène était d’aborder plusieurs thèmes : la guerre, la mort, les doutes, tout en la gardant accessible à un large public.

 

SC : Pari réussi ?

Dieudonné : Je crois être parvenu à toucher la sensibilité de chacun, à un moment où à un autre du spectacle, et à faire en sorte que tout le monde s’y retrouve. Les gens me suivent, rient aux éclats.

 

SC : Ils rient alors que le fond est dramatique.

Dieudonné : C’est le propre de l’homme de pouvoir rire de ses malheurs. La laïcité vue par Maklouf, l’Africain, devient un sujet comique. Ca fait du bien d’en rire. Rire pour transcender la douleur et la souffrance.

 

SC : Oui je l’ai pensé en regardant le public. Je me suis dit que tous ces spectateurs sont là à vous suivre, heureux, avec leur souffrance et leur amour. Vous les bercez d’un humour subtil, d’un conte qui les fait avancer, et de cela, ils vous sont reconnaissants.

 

Dieudonné : Le rire ne triche pas. C’est le rôle du bouffon de communiquer par l’humour.

 

SC : On vous sent d’une solidité à toute épreuve. Si l’on ne vous avait pas ostracisé n’auriez-vous pas manqué quelque chose de fort ?

Dieudonné : C’est une expérience forte en effet.

 

SC : Qu’avez-vous ressenti lors de la campagne médiatique de mars, quand le quotidien Le Monde a écrit que Dieudonné « ne faisait plus rire » ?

Dieudonné : Ben oui. C’est cela qui est drôle. On m’a jeté à terre, attaqué physiquement. On a condamné mes agresseurs à la prison ferme. De cela, qui ne me faisait pas rire, les médias n’en ont pas parlé.

 

SC : Dans « 1905 » comme dans « Mes excuses » vous vous êtes servi de votre propre vécu. Une manière de dire : voilà ce qui m’est arrivé, ce que j’ai découvert au passage que vous ne pouvez pas voir tant que vous n’êtes pas passé pas par là. Cela peut vous servir... à mieux voir.

Dieudonné : Je suis conscient de cela. Je suis tombé sur un filon. Dix huit procès en un an, c’est exceptionnel. Cela dit « Mes excuses » exprimaient un sujet plus serré. J’aimerais un jour le rejouer.

 

SC : Bernard-Henri Lévy reste votre cible favorite. Pourquoi lui ?

Dieudonné : Cet homme qui est, depuis vingt cinq ans, la coqueluche des médias, incarne à lui tout seul, le faux, l’arrogance, le mépris, la suffisance qui caractérise le sionisme. Il est pour moi, l’archétype parfait. Le Ken, le mari de Barbie. Si on devait représenter la petite poupée sioniste, B.H.L., serait le Ken, la marionnette parfaite.

 

SC : Pendant qu’il brille sur tous les plateaux de TV, vous êtes interdit de médias.

Dieudonné : Si c’est cela être une star ! Il ne brille pas. Il ne brille pas. On peut briller dans les tribunaux, on peut briller dans les prisons ! On peut briller dans les hôpitaux ! On brille rarement dans les médias. Il peut y avoir parfois quelques nobles esprits qui s’expriment à la TV. Mais ils ont rarement la maîtrise de leur propos. Ce ne sont pas eux qui dominent. La TV - comme la comédie humaine – est l’art du mensonge. Il s’agit d’une entreprise privée, avec des objectifs et une ligne éditoriale bien précise.

 

SC : Bernard-Henri Lévy a le pouvoir de vous détruire. Il a appelé au boycott de vos spectacles. Ce n’est pas peu.

Dieudonné : Je n’ai rien, c’est vrai. Plus ça va, moins j’ai. Pour l’instant j’ai encore ce théâtre ; c’est déjà énorme de pouvoir travailler quand cette bande veut votre mort. Même si je n’avais plus ce théâtre, il y a encore la rue. Cette posture me permet de rester créatif, entier et sincère face au mystère de la vie, aux doutes. Je laisse B.H.L. à  ses certitudes et ses mensonges. Il me fait penser à Achille Zavata, à Bozo le clown. Un clown pathétique. Il sera un jour un personnage caricatural de comédie. C’est sûr.

 

SC : Pensez-vous le mettre en scène ?

Dieudonné : Oui j’y songe. Vous savez, avec lui il n’y a pas grand-chose à faire : il suffit de le saisir dans son quotidien et de le projeter tel quel. C’est une nature comique malgré lui.

 

SC : Pas de langage de haine, donc, dans votre spectacle. Pas de facilités non plus. On retient de « 1905 » que, dans la République, tout le monde est gêné aux entournures, qu’il y a un malaise profond, et que plus personne ne s’y retrouve.

Dieudonné : On est aujourd’hui dans une situation d’injustice et de mensonge qui nous met en danger. L’Etat se prosterne devant le communautarisme le plus effroyable, le plus virulent, le plus haineux : les dirigeants d’organisations juives sionistes donnent le ton. Les élections de 2007 vont être surprenantes. Cette fois je peux le comprendre. Déjà le non à la Constitution sème le trouble.

 

SC : Qu’allez-vous voter ?

Dieudonné : Je voterai non.

 

SC : Le quotidien Le Monde a écrit le 9 mai que vous vous étiez « glissé » dans le cortège des Indigènes, comme celui qui est mal venu et que vous en aviez été chassé…

Dieudonné : (Rire) Ce quotidien était jadis la fierté de la France. Pourquoi colporter des mensonges ? Pourquoi ne sont-ils pas venus m’interroger ? J’étais dans le cortège avec les musulmans de France. On veut faire de moi un individu qui incarne le mal. Quand je dis « On »,  je me réfère à une certaine presse qui perd chaque jour des lecteurs. Moi je préconise Internet. C’est là que l’on peut, aujourd’hui, trouver une information digne de ce nom. Je ne suis qu’un artiste dans cette aventure. Je joue mon rôle le plus honnêtement possible comme noir et humoriste. S’en prendre à un humoriste, ce n’est pas glorieux de leur part. En même temps je suis détaché. Je me sens serein par rapport à tout cela. Parfois je me dis que j’aurais dû appeler ce spectacle « Mes adieux ».

 

SC : Songez-vous à quitter la scène ?

Dieudonné : Je pense qu’il y aura un autre spectacle : « Mes adieux ». J’ai très envie de partir en Afrique et faire du cinéma là bas. Plein de choses peuvent se passer.

 

SC : Mais vous avez ici un public qui vous aime !

Dieudonné : J’ai un public énorme.

 

SC : On n’a pas réussi à vous écarter.

Dieudonné : Au contraire. Mon public grandit.

 

SC : Avez-vous eu des moments de déprime durant cette longue saison en enfer ?

Dieudonné : Je fonctionne bien sous la pression. Quand il y a une pression il y a chez moi expression, création. J’ai la chance d’avoir ce théâtre et de pouvoir m’exprimer.

 

SC : Vous êtes une vraie bête de scène.

Dieudonné : C’est mon métier.

 

SC : J’entends dire partout que vous êtes le plus grand, depuis Coluche.

Dieudonné : Oh ! Je ne sais pas. Mais dans le registre de l’humour j’ai une certaine maîtrise. Voilà. Et les gens se marrent.

 

SC : Comment pouvez-vous imaginer vous en aller après tout cela ?

Dieudonné : Non, non. Je ne fuirai pas. Il y a un rapport de force. Je peux être poussé.

 

SC : Craignez-vous que ce bras de fer puisse vous être fatal ?

Dieudonné : Là, pour l’instant, on ne peut pas me pousser davantage. Je ne suis plus sur la scène médiatique. Mais à partir du moment où on grandit, là on peut vous pousser vers l’extérieur. Je commence à représenter des gens, des forces. Ca c’est pour eux le plus grand danger. Paradoxalement, cette force qui me protège peut être ce qui me mettra en difficulté. Le pouvoir a peur de cette force. Tant que j’étais seul, je pouvais faire rire dans mon coin. Là, je sens que les gens sont de plus en plus nombreux à me dire qu’ils me soutiendront, qu’ils me suivront où que j’aille. C’est troublant !

 

SC : C’est là une grande responsabilité.

Dieudonné : Je m’y était un peu préparé depuis que j’ai rencontré Aimé Césaire. Je découvre que c’est une autre vie que celle de l’artiste qui crée seul dans son coin, qui pourrait commencer. Est-ce que j’y vais ? Je ne sais pas. Je pense que je ne pourrais pas la fuir. Je ne veux pas fuir. Ce qui m’arrive, ce que l’on attend de moi, je ne l’avais pas prévu. Ou alors confusément. Je ne suis pas communautariste. Toutefois ma quête de justice parle à une population noire, aujourd’hui encore fatalement esclave de cette utopie. Je suis enchaîné à ce rêve de liberté. Quand j’ai entendu Aimé Césaire dire de moi « Il est jeune, il va à l’essentiel, il est notre avenir », j’ai senti qu’on attendait de moi autre chose que des sketches. Je ne vois plus comment je pourrais réintégrer le système. Ce n’est plus une histoire de carrière. Il s’agit d’humanité.

 

SC : Blancs noirs ou jaunes, nous partageons les mêmes rêves, non ?

Dieudonné : C’est tout le monde qui peut se reconnaître dans l’universalité. Est-ce que nous y arriverons ? Est-ce que c’est simplement l’état d’esprit dans lequel on va accomplir ce parcours ? Ca n’est que ça qui importe. J’aime bien cette idée que le but lui-même, si on le fixe dans le cadre de sa propre existence, porte une notion d’accomplissement en soi. J’ai l’impression que ce but existait avant ma naissance et existera après. C’est une quête humaine. Il n’y a pas de projet autre que d’amener l’humanité à ce réveil. Mais ce n’est pas Dieudonné Mbala Mbala qui va faire cela tout seul. On peut être jaune, blanc, noir, on se retrouve frères en humanité. Face à l’empire du mensonge j’ai ma conscience. Avançons tous ensemble. On est tous dans le même bateau. On a tous besoin les uns des autres.

 

Voir la seconde partie « Qui veut la peau de Dieudonné ? » ou sur le site www.lesogres.org

Voir aussi l'article de Christian Cotten : Et Dieudonné dit au peuple élu : arrêtes tes conneries

 

(1) Théâtre de la Main d'Or. 15, Passage de la Main d'Or. Paris. Tél : 01 43 38 06 99.


(2) Conseil Représentatif des Institutions Juives de France

 

Silvia Cattori - de nationalité Suisse et de langue maternelle italienne - après des études de journalisme à l’Université de Fribourg, elle s’est expatriée et a évolué dans le monde des fonctionnaires internationaux et de la diplomatie. Elle a essentiellement travaillé comme journaliste indépendante et sous divers pseudonymes. Elle se consacrait depuis quelques années à des activités littéraires quand, en 2002, lors de l’effroyable opération israélienne « Boucliers de protection », elle a décidé d’aller en Palestine. Choquée par ce qu’elle a découvert, elle se consacre depuis, à attirer l’attention du monde sur la gravité des violations commises par l’Etat d’Israël contre une population sans défense.

 

Nota bene

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Source : Silvia Cattori


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